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On a les 68 qu'on peut

2 novembre 2008

Grandes Vacances ( juillet 68 )

DeGaulle_cabuAvec mes copains Francis et Claude ( dit Maurice) nous décidons de « descendre » sur la Côte d’Azur. Le trajet se fait dans la 2-chevaux verte de Francis. En ce temps là on ne disait pas une « deuch » , encore moins une « de-deuch ». Sur la carte de France j’ai tracé une ligne droite entre Valenciennes et Agay ( Saint-Raphael ) notre destination finale. Comme nous sommes trois à conduire le trajet sera non-stop. « Elle roule pas vite, mais on a une impression de vitesse » déclare avec philosophie le placide Francis. Dans la côte de Vizille je me demande tout de même si nous n’allons pas caler. Dans le rétroviseur une interminable file de vacanciers sans doute favorable aux jeunes – ou aux 59 ? – prends son mal en patience. Tout de même, presque à destination, nous nous endormons entre deux rangées de vignes.

Camping de « la pinède » à Agay. Les tentes sont tellement proches qu’en me retournant la nuit, je donne des coups de coudes à une Hollandaise que seules deux épaisseurs de toile séparent de moi. La grande affaire en cette mi-juillet c’est la finale du Tour de France : Van Springel le belge contre Jan Jansen le Hollandais ; nos voisines ont emmené le “transistor” à la plage ! De retour de la baignade :  un fourgonr de gendarmerie devant l’accueil. « Tiens,  il doit y avoir eu un vol dans le camping ». Nous dirigeant vers notre emplacement  nous suivons deux pandores. On dirait que c’est dans notre coin. «Habillez vous on vous embarque » nous bousculent-ils alors que nous arrivons à la tente. L’un arrache une feuille de papier noir sur les deux faces accrochée comme un fanion à l’un des tendeurs. Il s’agit d’une page détachée du numéro de juillet d’Hara-Kiri ( journal bête et méchant, lointain ancêtre de Charlie Hebdo) et qui était ainsi présentée : « ce drapeau vous est offert par Hara-Kiri, accrochez le à votre balcon le jour du 14 juillet, vous aurez du succès, surtout si vous habitez sur les Champs-élysées » Les premiers vêtements qui me tombent sous la main sont un pantalon et un pull rouge. « Toi arrête de faire le malin, je t’ai à l’œil ». nous sommes embarqués dans l’estafette bleue devant un attroupement de campeurs silencieux. A la gendarmerie d’Agay, nous apprenons que la raison de notre interpellation serait que des cambriolages auraient eu lieu dans la zone de Saint-Tropez. Mais nous apprenons aussi que lors d’une visite de routine comme en font partout les gendarmes –« rien de particulier à signaler ? »  - un bon citoyen nous a signalés : Individus suspects, anarchistes. Ils ont un drapeau noir accroché à leur tente ! Or il se trouve que nous sommes tous fonctionnaires ou fils de fonctionnaires. C’est différent. « Vous pouvez repartir »

– Je peux récupérer mon drapeau ?

– Vous ne faites pas le malin, si vous ne voulez pas qu’on écourte vos vacances, vous avez intérêt à vous tenir tranquille!… «

– Vous ne nous raccompagnez pas s’enquiert Maurice ( nous sommes à une demi-heure de marche du camping

– C’est mieux pour vous ; ça la ficherait mal de rentrer en car de gendarmerie.

Dommage qu’ils ne se soient pas posé la question tout-à-l’heure !…

De retour à la pinède, la même foule est devenue, on se demande pourquoi, très favorable et même tout–à-fait sympathisante -- « on est avec vous ». Un Dupont-la-joie m’avoue même sur le ton de la confidence qu’il est encarté à la C.G.T. Encore un dangereux révolutionnaire ! Etudiants, travailleurs, solidaires, Camarade !…

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20 juin 2008

JEUDI 20 JUIN - L'ORTF à Anzin

Les grévistes de l’ORTF viennent expliquer leur action et leurs revendications au théâtre d’Anzin. Je passe chercher Francis chez lui à Saint-Saulve. Sa chatte vient de mettre bas. Un chaton est conservé et nommé « Bendite » ! En route vers Anzin. Près du square Froissard, l’affiche d’un film m’intrigue. On y voit une grande roue couchée, couleur ivoire sur un fond bleu nuit. Un film de science fiction certainement. Le titre écrit en très gros caractères : 2001. Le sous-titre, je n’arrive pas à le lire…

Il y a affluence au théâtre d’Anzin. L’entrée est gratuite mais on est invité à acheter un badge pour soutenir les grévistes. Ce badge, je l’ai conservé : un rond adhésif en tissu blanc d’un diamètre de 6 cm.  Il y a brodé dessus le sigle devenu célèbre de l’O.R.T.F en grève ; où les lettres sont en bleu roi et les ellipses figurant des trajectoires d’électrons en barbelé. badge_ORTF_en_greve

 

Sur scène, une dizaine de journalistes et techniciens venus de Lille et de Paris, se présentent individuellement et décrivent le fonctionnement d’une O.R.T.F entièrement à la botte du pouvoir. Ils racontent comment depuis le début des événements s’est exercée la censure : interdiction de parler des émeutes, présentation d’interviews antérieures aux événements, etc… C’est, disent-ils, ce qui a motivé leur grève.

Pour clôturer la soirée l’orchestre de l’O.R.T.F de Lille conduit par ( ?) interprète avec brio les Préludes de Liszt ( ce qui me change de Julie Driscoll ). C’est avec l’enthousiasme du néophyte que j’essaie de discerner, dans le concert des violons, celui de cette jeune artiste blonde qui paraît si sage et si appliquée…

2 juin 2008

CONCLUSION - La Thèse du complot

Les vérités de la police sont les vérités d’aujourd’hui. Jacques Prévert

Les ouvriers rentrés dans leurs usines et la Sorbonne enfin évacuée et nettoyée, les journalistes à la solde du pouvoir s’en donnent à cœur joie.

A en croire Raymond Cartier qui s’exprime dans Paris-Match, la révolution de mai  aurait été préparée par des éléments incontrôlables financés par la Chine ou Cuba – lequel des deux il n’est pas certain… Voilà ce qui s’appelle un journal bien orienté. Ses lecteurs encore mal remis de leur frousse savent à quoi ils ont échappé, à quel point ils ont eu raison d’avoir peur et de bien voter. « Plus jamais ça ! » proclamait en juin la petite affichette avec les drapeaux rouges et noirs juxtaposés.
Au sceptiques il apporte des preuves : « début mai, il n’était plus possible de trouver un manche à balai à Paris ». Diable, nous l’avons échappé belle ! [ je découvre quarante ans plus tard que cette affirmation tendancieuse, reposait sur un fait réel : du fait des affrontements entre membre des mouvement occidents et gauchistes en avril, «  les manches de pioches étaient devenus introuvables car tous les mouvements s’étaient servis en même temps au B.H.V et à la samaritaine » Serge Ferrand et G.Lecavalier « aux ordres du S.A.C » Albin Michel 1982 ]

De qui se moque-t-on ? Rien, en cette fin d’avril 68, ne laissait présager ce qui allait arriver. On peut dire, paraphrasant de Gaulle, qu’en ce printemps 68, à Valenciennes comme dans la plupart des villes de province je suppose, les étudiants étudiaient, les enseignants enseignaient, les travailleurs travaillaient. Ce qui nous occupait c’était la préparation des examens ; dans mon cas le B.T.S qui devait avoir lieu à la mi-mai.

Evidemment on dira que les groupuscules castristes ou maoïstes dont parle Monsieur Cartier, préparaient la Révolution en secret. Et bien parlons en. Des maoïste,  j’en côtoyais. Un petit groupe qui avait ses habitudes au premier étage du café LE CENTRE, par ailleurs siège social du Club N°1. Quatre ou cinq garçons et filles habituellement discrets, qui préparaient un monde meilleur en buvant des verres de SLAVIA. Rien dans leur attitude n’indiquait un changement quelconque, l’imminence d’une action. Rien. Nulle fébrilité, pas plus de conciliabules, pas plus l’air de conspirateurs que de coutume… Je voulais tout de même en avoir le cœur net : « … on n'a rien vu venir ;  me confirme quarante ans plus tard, l’un d’eux. Pas plus de main occulte castriste que maoïste.
Nous appartenions au groupuscule "marxiste-léniniste" (il ne fallait surtout pas dire maoïste !) le plus con, le plus borné et le plus ouvriériste qui soit, dans la grande tradition stalinienne... Alors, tu penses que l'on pouvait être loin d'imaginer que des petits bourgeois étudiants allaient se révolter pour pouvoir rencontrer leurs copines dans les bâtiments non-mixtes.
On était loin de la prise du pouvoir par le prolétariat armé. De plus on était obnubilés par la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne chinoise, raison de plus pour être aveugles.
»

1 juin 2008

VENDREDI 31 MAI : Plus jamais ça !

 

Depuis le premier étage du café LE CENTRE j’assiste désabusé – presque indifférent– à la mise en place de la manifestation de soutien au Général.  Surprise de découvrir un certains nombre de jeunes gens qui avaient disparu ces dernières semaines, faire preuve d’un enthousiasme tapageur. Ainsi donc tout le monde ne pensait pas comme nous ? ! … Et pourquoi ne manifestaient-ils pas leur désapprobation les semaines précédentes ?…

Autre choc : la foule sur la place d’Armes devient considérable. Un 13 mai à l’envers ! Il y a deux semaines, nous criions « 10 ans ça suffit » ; le mot d’ordre à présent est « plus jamais ça », imprimé au dessus des drapeaux rouges et noirs juxtaposés sur les petits tracts imprimés pendant dans la nuit.

plus_jamais_ca

Cette fois les drapeaux sont tricolores. Comme ceux brandis par les harkis amenés par bus entiers des cités minières de la vallée de l’Escaut pour grossir le cortège. Précaution inutile, la foule est considérable.

30 mai 2008

JEUDI 30 MAI : Contre-jour

Il n’est plus question que de la disparition de de Gaulle. Tout le monde vit l’oreille rivée au poste de radio. Les nouvelles les plus folles circulent…
En attendant il faut bien s’occuper. Profitant de l’absence de ses parents, Rachel m’a invité chez elle, entraîné dans sa chambre. Les persiennes sont tirées, mais la radio fonctionne.

Le speaker annonce que le Général de Gaulle va s’adresser aux français : 

« J'ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un mandat du peuple, je le remplirai. Je ne changerai pas le Premier ministre [...]. Je dissous aujourd'hui l'Assemblée nationale. »

Cette fois c’est la guerre ; il va se passer quelque chose, c’est certain.

L’heure n’est plus à la bagatelle. Je plante là Rachel et me précipite vers le centre ville ; en face de la caserne Vincent je rencontre, Yves,  mon beau-frère. Spectateur attentif, des événements, il est persuadé lui aussi de vivre un moment historique . Il est donc descendu en ville voir ce qui allait se passer.

Place d’Armes, devant l’Hôtel de Ville, plusieurs profs du technique, « des purs et durs », sortent de la salle Chattam. En pleine réunion de la F.E.N, sur la suite à donner au mouvement, ils ont entendu le discours de de Gaulle. Comme tout le monde ils ont bondi dans la rue. Portalier, Dubosse, Hardi, d'autres.... Ils sont très remontés, l’heure est à l’action; ça ne va pas se passer comme ça! ... Hardi suggère carrément que l'on aille chercher des armes – il y en a à la caserne Ronzier ; allons les chercher ! Evidemment, son idée suscite quelques réserves…

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29 mai 2008

MERCREDI 29 MAI : de Gaulle, disparu !

La nouvelle de la disparition de de Gaulle s’est répandue comme une traînée de poudre. Le général est parti, dit-on… à Colombey... non il a disparu !  Les radios décrivent un gouvernement désemparé, inexistant. Le pouvoir est à ramasser…. Miterrand propose la mise en place d'un "gouvernement provisoire " ; Mendès France déclare qu’il ne refuserait pas les responsabilités qui pourraient lui être confiées par la gauche réunie … Lecanuet lui apporte son soutien. Ça y est nous y sommes...

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28 mai 2008

MARDI 28 MAI : Gouvernement populaire avec les communistes ...

 

La grande manifestation qui se déroule l’après-midi au travers de la ville me paraît un remake de celle du 13 mai, sauf qu’il y a beaucoup plus de monde. Aux militants du début est venue se joindre la foule libérée par les grèves. Place d’Armes, devant Le Français la famille Gronier au grand complet occupe la largeur de la chaussée. Les maoïstes ne sont pas loin. Toujours accompagné de Rachel, je suis le mouvement, mais le cœur n’y est plus. L’ambiance bon enfant du 13 à fait place à un esprit quasiment insurrectionnel. Ce rassemblement me paraît surtout une démonstration de force du parti communiste. Les slogans majoritaires sont « de Gaulle démission », « gouvernement populaire avec les communistes ». Des étudiants il n’est plus question depuis longtemps. Hier au Stade Charlety, Mendès France est resté silencieux. Je ne crois pas - ou je suis incapable d'imaginer - que les communistes puissent prendre le pourvoir. Alors que va-t-il arriver ? On commence à entendre parler d'intervention de l'armée...

 

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27 mai 2008

LUNDI 27 MAI après-midi : C'est reparti comme en 36

J'ai perdu mon portefeuille qui contient mes papiers ; Certainement hier à l'Oscar. Il faut absolument le chercher à l’Oscar, à Mons. Mon père m’accompagne… c'est lui qui conduira ; c'est trop risqué de circuler, passer la frontière sans carte d’identité ni permis de conduire ! Entre Onnaing et Quiévrain le spectacle est impressionnant. Tant du fait de la grève générale que de la pénurie de carburant, très peu de véhicules circulent, aucun camion ni autobus, la route est déserte. Il fait un temps splendide, une vraie après-midi d’été. Au dessus des nombreuses entrées d’usine qui se succèdent le long de cette route, il y a des banderoles USINE OCCUPEE. Les piquets de grève sont atablés devant les grilles et tapent le carton. 

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Ça me rappelle 36 déclare mon père ; et ça ne semble pas le réjouir. Il a vu la suite et payé au prix fort pour la voir. Cinq années de captivité dans un Stalag, forcément ça donne le temps de réfléchir...

Le portefeuille n'était pas à l'Oscar. Il faut retrouvé le lendemain, entre le matelas et le pied-de-lit !

27 mai 2008

LUNDI 27 MAI ( matin ) : La chienlit

France Soir consacre quatre pages aux émeutes du quartier Latin. Contrairement à la Voix du Nord de dimanche qui relatait sobrement les faits et mettaient en avant l’espoir d’un accord sur le SMIG entre le gouvernement, le patronat et les syndicats ; ici on cherche à faire peur. Incendie de la Bourse, un commissaire de police tué à Lyon. L’impression qui s’en dégage est celle d’une guerre civile. Ce n’est plus de jeunes étudiants brutalisés le 11 mai par les CRS dont il est question, mais de révolutionnaires à l’assaut de l’ordre chancelant.

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26 mai 2008

DIMANCHE 26 MAI - En Belgique

La monnaie est une affaire de confiance

A Mons un pompiste belge refuse d’être payé en argent français : « j’ai rien contre toi sais tu ; mais avec tout ce qui se passe en ce moment chez vous - on dit qu’il va y avoir la révolution - je sais pas te servir...». Heureusement un vieux monsieur me sort d’affaire : – je veux bien te les acheter, moi, tes pièces de cinq francs. Elles sont en argent, sais-tu ? Ca vaut toujours quelque chose, ça…

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